Sunday, March 18, 2007

Montréal Champion: Françoise Bichai

English below

Des montagnes du Peru au laboratoire à Montréal :
comment la recherche peut aussi entraîner le changement


par David-Vincent Bone, Section Professionnelle de Montréal


Le problème d’accès à l’eau potable est une des causes fondamentales de la pauvreté dans les pays en développement. 5 000 enfants meurent tous les jours en raison de maladies transmises par l’eau. Françoise Bichai le sait et espère aider à changer les choses par l’entremise de son travail au laboratoire de la Chaire industrielle CRSNG en eau potable de l’École Polytechnique de Montréal, car elle croit qu’un processus plus efficace de désinfection solaire pourrait contribuer à améliorer le sort de communautés pauvres des pays du Sud. Elle est aussi membre d’ISF Canada depuis 4 ans et maintenant co-directrice de l’éducation à la Section professionnelle de Montréal.


À 10 ans, Françoise Bichai rêvait de devenir professeure de violon. Elle le deviendra par hasard, pour quelques temps, à San Isidro del General au Costa Rica, une ville à une heure du village où elle passera trois mois à l’âge de 19 ans. C’est au cours de ce même séjour qu’elle entrera en contact pour la première fois avec la pauvreté. Six ans plus tard, elle est candidate au doctorat à la Chaire industrielle CRSNG en eau potable de l’École Polytechnique de Montréal. Une partie de ses recherches vise entre autre l’amélioration d’un processus de désinfection solaire (SODIS) développé et répandu par les chercheurs du SANDEC, le département d’eau et d’assainissement pour les pays en développement de l’EAWAG, institut suisse de grand renom.

« Dans le cadre de mon projet de recherche sur la désinfection UV, j’ai négocié durement pour travailler également sur la désinfection solaire », explique Françoise Bichai. Selon elle, l’impact que peut avoir une technologie plus efficace est tangible : « Une meilleure compréhension d’un procédé de désinfection d’eau potable permet d’en améliorer l’application et de réduire le risque microbiologique auquel s’expose le consommateur. » Le procédé SODIS, conçu pour les pays du Sud où l’intensité du rayonnement solaire est plus élevée, consiste à exposer des bouteilles d’eau transparentes au soleil pendant environ 6 heures lorsque le ciel est dégagé. En effet, une portion des rayons UV du soleil n’est pas bloquée par l’atmosphère et est disponible pour la désinfection de l’eau. Françoise pense toutefois que l’agrégation des bactéries aux particules présentes dans l’eau peut diminuer l’efficacité du procédé.



Françoise est également membre d’ISF Canada depuis 4 ans et maintenant co-directrice de l’éducation à la section professionnelle de Montréal. Elle est aussi violoniste à ses heures. L’Ombudsband est le groupe de musique dont elle fait partie, comprenant également une tromboniste, un guitariste et chanteur, un batteur et un bassiste. L’ensemble de cinq musiciens, actif depuis maintenant 4 ans, vient tout juste de livrer une performance au bar La Tulipe à Montréal, à l’occasion de la journée ISF du 1er mars, dans le cadre de la semaine du génie.

Le développement

Ses premiers pas dans le monde du développement, Françoise les fait à 19 ans. Elle part seule au Costa Rica pour 3 mois avec l’organisme Horizon Cosmopolite, qui lui permet d’entrer en contact avec une communauté rurale là-bas. Elle vit et travaille dans une finca, une propriété agricole d’environ 300 à 400 personnes, où elle est hébergée par une famille de trois enfants dont le père est costaricain et la mère, salvadorienne. La jeune mère avait à peine cinq ans a fui le Salvador, à pied, avec ses parents et ses nombreux frères et sœurs, une vingtaine d’années auparavant, en temps de guerre civile. « La mère était enceinte d’un quatrième enfant et n’avait que 26 ans. Sa réalité était si différente de la mienne », se rappelle Françoise. Ne parlant pas encore l’espagnol à l’époque, elle développe une connaissance approximative de la langue, entre autre au contact des enfants. À la finca, elle travaille dans les champs, aide sa mère d’accueil avec certaines tâches ménagères et donne des cours d’anglais et de flûte à bec aux enfants du village, alors qu’à la ville la plus proche, elle anime des ateliers d’artisanat dans un centre pour les femmes et remplace même à l’occasion un professeur de violon dans une école. Le voyage lui a donc permis un premier contact avec différentes réalités des communautés en développement, telles que la difficulté de répondre à certains besoins fondamentaux, comme la médication.

À l’été 2003, elle participe au programme de stage de l’Entraide Universitaire Mondiale du Canada (EUMC). Elle est alors envoyée seule dans les montagnes au Pérou, dans le village de San Marcos, où elle est appelée à travailler avec un ingénieur péruvien pour améliorer les systèmes d’eau potable par gravité dans la localité d’environ 2000 personnes. « J’ai eu la chance de voir la réalité quotidienne des communautés des Andes péruviennes dans toute son authenticité », affirme-t-elle. Le partenaire du projet était la municipalité de San Marcos elle-même. « J’ai appris beaucoup de l’approche utilisée par l’EUMC sur le terrain. Leurs projets suscitent à la base l’engagement des communautés et des travailleurs locaux. L’éducation et le renforcement des capacités locales est une partie très importante de leur travail, qui vise la gestion autonome des infrastructures par la communauté. » Une des principales retombées de son projet a été son intérêt accru pour ses cours de génie. Son stage lui aura permis de renforcer son intérêt pour le traitement et la distribution d’eau potable, et ce, dans le contexte d’une nouvelle perception de l’ingénierie comme moteur de changement. Elle effectue également sa propre levée de fonds de 3 000$ pour le projet, livre à son retour une présentation à la conférence annuelle de l’EUMC et remet un compte-rendu de son expérience de stage à tous ses donateurs, dont la firme d’ingénierie Hatch & ass.

La motivation


Françoise a donc déjà les deux pieds dans le développement quand elle devient plus active dans ISF Canada à l’hiver 2004. « Je deviens fébrile quand j’entends parler du développement », dit-elle. « Les enjeux du développement, ce sont des problématiques auxquelles je suis sensible. » Au cours des deux années suivantes, elle donnera plusieurs présentations sur le thème de l’eau dans des écoles secondaires de la région de Montréal. Elle participe également à la Conférence nationale ISF Canada à Toronto en 2004 et à Ottawa en 2006.

Sa motivation a considérablement évolué avec le temps. Elle admet qu’au départ, son voyage au Costa Rica était en partie motivé par son goût du dépaysement. « L’exotisme, c’est quand même très à la mode et les touristes recherchent peut-être de plus en plus des expériences dans des milieux reculés, plus authentiques », admet-elle. Avec les années, en accumulant les expériences, elle se pose toujours plus de questions : « Est-ce que c’est vraiment pertinent d’envoyer un Canadien faire un travail de développement à l’étranger? » Pour elle, ISF est une organisation non gouvernementale unique qui crée au Canada une grande énergie axée vers le développement et dont l’objectif ne se limite pas à donner à ses membres l’occasion d’acquérir une expérience à l’étranger.

« Travailler à préparer des présentations en milieu de travail et des activités d’éducation des membres me motive beaucoup. » Selon elle, l’intérêt qui prime dans le milieu de l’industrie, c’est le profit, et c’est principalement dans leur propre intérêt que les entreprises canadiennes travaillent dans des pays en développement. « Il y a peut-être un besoin pour une forme de partenariat entre les compagnies et les organisations non gouvernementales, qui offrent des expertises différentes. La formation et l’approche des ONG sur le terrain pourrait faire une différence dans le travail des firmes d’ingénierie à l’étranger. »

Donner de son temps

Son stage au Pérou lui a permis de développer un intérêt pour l’eau potable. « C’est un domaine extrêmement important pour aider les communautés en développement, l’eau est un des besoins de base. » Récipiendaire de nombreuses bourses au cours de ses études, elle est actuellement à compléter la revue de littérature qu’elle doit produire en vue de sa proposition de recherche. Elle doit également établir et détailler son plan expérimental et travaille donc aussi en laboratoire pour tester des méthodes afin d’en établir la faisabilité.

Elle admet également que le lien de ses travaux de recherches avec le développement contribue à maintenir sa motivation dans son travail. Il est important pour elle de savoir relativiser les problèmes auxquels font face les spécialistes de l’eau potable au Canada par rapport à la situation mondiale. « La désinfection solaire n’est qu’une petite portion de mes travaux de recherche, mais c’est une partie qui est importante pour moi. »

Avec ISF, au sein d’une équipe de gestion d’une quinzaine de personnes, elle travaille à guider la communauté professionnelle montréalaise dans le monde du développement, à les aider à s’intéresser au rôle de l’ingénieur dans le développement, et elle construit des activités d’éducation taillées sur mesure pour les membres. « ISF, ça permet aussi de se poser beaucoup de questions et d’en discuter avec d’autres », ajoute-t-elle. Elle estime y avoir aussi acquis de l’expérience en ce qui a trait à la tenue de réunions et à la prise de décisions en équipe. « Même s’il y a beaucoup de place pour le travail d’équipe dans notre formation universitaire, je trouve qu’il y a ici beaucoup plus d’espace pour la réflexion et les discussions de groupe, dans le but d’atteindre un consensus autour des objectifs à atteindre. Une grande liberté nous est accordée dans l’organisme comme section professionnelle, ce qui nécessite de bonnes initiatives de gestion et une bonne capacité de travailler en équipe. »


Pour elle, s’impliquer avec ISF à Montréal, c’est l’occasion de garder un équilibre et de rester impliquée dans le développement. Lorsqu’elle oeuvre dans le milieu de l’éducation, elle ressent tout de suite qu’elle a un impact. « C’est très motivant de constater que le message qu’on veut livrer dans un atelier est compris. L’impact peut être de courte durée, mais c’est au moins un début de réflexion chez les participants », dit-elle. « Il faut surtout voir que nous sommes nombreux dans ISF et que c’est un effort de groupe, ce qui me permet de croire qu’il devient possible d’avoir un impact, par exemple dans le milieu professionnel de l’ingénierie au Canada. »

Et les rêves?

« J’arrive parfois à me convaincre que je peux faire une différence, entre autre grâce à l’éducation à laquelle j’ai accès. Ça devient alors à la fois une responsabilité et une motivation d’essayer de le faire. »


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From the mountains of Peru to the laboratory in Montréal: How research can
drive change too


By David-Vincent Bone, Montreal Professional Chapter


One of the fundamental causes of poverty in developing countries is the lack of safe drinking water. Every day, 5000 children die from waterborne diseases. Françoise Bichai is well aware of this problem, and she hopes to make a positive impact through her research at the NSERC industrial chair in drinking water laboratory at École Polytechnique de Montréal. Françoise believes that a more efficient process of solar disinfection could help to significantly improve the fate of poor communities in southern countries. She has also been an active member of EWB Canada for 4 years and is currently the co-director of education for the Montreal Professional Chapter.

When she was 10 years old, Françoise Bichai dreamed of becoming a violin teacher. At 19, she unexpectedly achieved her goal while spending 3 months in a small village near San Isidro del General, in Costa Rica. It was also during this trip that Françoise encountered poverty for the first time. Six years later, she is now a doctoral candidate at the NSERC industrial chair in drinking water at École Polytechnique de Montréal. A part of her work aims to improve a process of solar water disinfection (SODIS) that was developed by the researchers at SANDEC, the Department of Water and Sanitation in Developing Countries at the renowned Swiss Federal Institute for Aquatic Science and Technology (Eawag).

“I really had to negotiate to include solar water disinfection within the framework of my research project on UV disinfection,” explains Françoise. But she believes the benefits of a more efficient technology are tangible. “A better understanding of the process of disinfection allows for improved applications and reduced microbiological risks for consumers.” The process of solar water disinfection (SODIS) consists of exposing transparent water bottles to the sun for approximately 6 hours while the sky is bright and there is limited cloud coverage. Since high solar radiation is required to inactivate the pathogenic microorganisms in the water, SODIS is most successful in semi-arid regions that lie between latitudes 15°N/S and 35°N/S. Françoise suspects, however, that the aggregation of bacteria present within the water can decrease the effectiveness of SODIS.

Françoise has also been an active member of EWB for 4 years and is currently the co-director of education for the Montreal Professional Chapter. She is also an avid violinist and member of Ombudsband, a group of five musicians, including a trombonist, a bassist, a drummer, and a guitarist and singer. She and her band mates recently performed at bar La Tulipe in Montreal on March 1st, as part of EWB Day during Engineering Week.

Her development experience

Françoise’s first foray into the world of development was at 19 years old. She traveled alone to Costa Rica for 3 months with the organization HorizonCosmopolite, which allowed her to interact with a rural community. She lived and worked in a finca, an agricultural estate of approximately 300 to 400 people, where a family of 3 children, with a Costa Rican father and a Salvadorian mother, hosted her. Five years earlier, the young mother of the family had fled to Costa Rica from Salvador by foot with her parents and numerous siblings to escape the civil war. “ The mother was pregnant with her fourth child and was only 26 years old. Her reality was so different from my own,” remembers Françoise. Not able to speak Spanish at the time, Françoise acquired a working knowledge of the language primarily through contact with the children. In the finca, she worked in the fields, helped her host mother with household chores, and gave English and recorder lessons to the village children. In the closest city, San Isidro del General, she also animated handicraft workshops in a center for women and occasionally substituted for the violin teacher in a school. The trip allowed Françoise to observe the very different realities that developing communities face, such as the challenge of meeting basic needs like medication.

In the summer of 2003, Françoise took part in an internship program run by the World University Service of Canada (WUSC). She was sent alone to the village of San Marcos, in the mountains of Peru, where she worked with a Peruvian engineer to improve the gravity-run drinking water system for a community of 2000 people. “I had the opportunity to witness the daily reality of the communities living in the Peruvian Andes—in all its authenticity,” she confirms. The municipality of San Marcos was the project partner. “I learned a lot about the approach used by WUSC. Their projects seek at their base the commitment of the communities and local workers. The education and reinforcement of local abilities is a crucial part of their work, which aims to ensure that communities can autonomously manage their own infrastructures.” For Françoise, one of the main benefits from the project was a heightened interest in her engineering courses. Her internship made the treatment and distribution of drinking water all the more appealing, and it illustrated how engineering can be an instrument for change. Françoise also carried out her own fundraising of 3000$ for the project, and on her return, she gave a presentation at the annual WUSC conference, and delivered a summary of her experiences to all of her donors, including the engineering firm Hatch & Associates.

Her motivation


Françoise was clearly already committed to development by the time she became an active member of EWB Canada in the winter of 2004. “I become feverish when I hear discussions about development,” she admits. “The issues surrounding development are near and dear to my heart.” Over the following two years, Françoise gave numerous presentations on the theme of water in high schools across the region of Montreal. She also took part in the EWB National Conference in Toronto in 2004 and in Ottawa in 2006.

Her motivation has evolved considerably over time. She admits that in the beginning her trip to Costa Rica was partly motivated by her desire to travel. “Exoticism is really trendy, and tourists increasingly look for adventures in unconventional—and authentic—places.” As time passes, and she acquires further experiences, Françoise finds herself asking even more questions: “Is it really pertinent to send a Canadian to do development work abroad?” She believes EWB is a unique NGO, not only because it creates a tremendous energy in Canada centered around development, but also because it does not limit itself exclusively to giving overseas experiences to its members.

“Preparing presentations for workplaces and educational activities for members really motivates me.” Françoise feels that businesses are primarily motivated by profit, and most Canadian companies operating in developing countries are there for their own interests. “There is perhaps a need for some sort of partnership between business and NGOs, who offer different expertise. The training and approach adopted by NGOs out in the field could make a difference in the work engineering firms undertake abroad.”

Volunteering her time


Françoise’s internship in Peru expanded her interest in drinking water. “It’s an extremely important area to aid developing communities. Water is a basic necessity.” A recipient of numerous scholarships over the course of her studies, Françoise is currently completing her literary review, which she has to submit as part of her research proposal. She also has to establish an outline for her research plan, and so she is doing laboratory work to test the feasibility of certain methods.

She admits that the link between her specific research and broader development helps to keep her motivated. It is important to put into perspective the problems facing drinking water specialists in Canada with the global situation. “Solar disinfection is only a small fraction of my research, but it’s a very important part for me.”

Within a management team of fifteen people at her EWB professional chapter, Françoise is working to guide the professional community of Montreal through the world of development by helping them to take an interest in the role that engineers play, and she designs educational activities individually tailored for members. “EWB allows us to ask a lot of questions and discuss them with others,” she adds. She also feels that she has gained experience with regard to holding meetings and making decisions as a group. “Even though there is a lot of opportunity for group work in our university education, I find that there is a lot of room here to reflect and discuss topics as a group in order to reach a consensus around specific objectives. Within the organization, the professional chapters grant us a large amount of freedom, which therefore requires good management initiatives and a strong aptitude for teamwork.”

For her, getting involved with EWB in Montreal offers the opportunity of maintaining a balance and staying connected with development. By working in the area of education, she immediately feels that she has an impact. “It’s really motivating to notice that the message we want to deliver in a workshop is understood. The effect might be brief, but at least it’s a beginning for participants to reflect. It’s important to remember that we are numerous within EWB, and it’s a team effort, so I believe it is possible to have an impact, for instance in the professional sector of engineering in Canada.”

And her dreams?


“I’m often able to convince myself that I can make a difference, thanks especially to my education. It therefore becomes a motivating factor and a moral responsibility for me to try.”

1 comment:

Denisia said...

Hello Francoise,

Awesome job :)
I especially wanted to commend you on how you were successfully able to negotiate with your dept, to include solar water disinfection within your research project. As EWB professionals, we need to constantly think about how we can get the private industries, universities, etc to develop technology that will have tangible pro-poor benefits.